• David Foenkinos, Vers la beauté

    Les premières pages sentent très fort le parfum de ma grand-mère : elle m'a prêté le cadeau qu'elle a reçu pour son anniversaire. Elle m'a dit ça change de ce qu'il écrit d'habitude mais je trouve, pas tellement. Il y a l'art, la gravité et la vie. Dans la même veine que Charlotte et La Délicatesse - de ceux qui touchent plus.

    C'est l'histoire d'Antoine qui quitte tout pour être gardien dans un musée, et personne, même sa sœur, ne sait pourquoi il est parti. En cours de littérature on aurait peut-être appelé ça des histoires enchâssées, celle de Camille dans celle d'Antoine, par exemple. J'ai lu le roman en deux heures trente, d'un coup, parce que je ne pouvais pas l'abandonner ; il y avait comme une urgence de découvrir, de savoir, de finir.

    Je ne sais pas pourquoi vous lisez ; moi je lis pour trouver des réponses, peut-être pour trouver les mots que je n'ai pas, pour voir qu'ils existent, qu'ils sont inscrits quelque part. Je ne lis pas seulement pour le plaisir et quelques écrivains réussissent à créer des récits qui sonnent juste ; David Foenkinos est l'un d'entre eux, et Vers la beauté, terrible et lumineux à la fois, sonne juste. Cette façon d'aller vers la beauté pour pallier la laideur du reste trouve son écho en moi. Je comprends, la beauté pour survivre.

    Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant lu, et autant apprécié un livre. Si vous en avez l'occasion, lisez-le, vraiment. ♥

    Page 144 : "Il fallait trouver les mots juste. Il pouvait toujours chercher, il n'y en avait pas."
    Page 161 : "il avait besoin qu'elle soulage sa conscience ; qu'elle lui pardonne en lui disant que ce qui s'était passé n'était pas si grave."

     

     

     

     


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  • Daniel Keyes, Les mille et une vies de Billy Millgan

     

    Billy Milligan est accusé de plusieurs vols et viols de jeunes femmes aux Etats-Unis. La police l'arrête facilement, cependant il nie les viols. Une expertise psychiatrique est demandée ; Billy est atteint du syndrome de personnalité multiple (SPM), c'est-à-dire que des personnalités toutes différentes prennent tour à tour le contrôle de son corps. On rencontre par exemple  Christine, une petite fille de trois ans, Arthur, un Anglais cultivé ou encore Ragen, un Yougoslave fort et violent.

    C'est l'histoire de deux clans qui s'opposent autour de Billy. D'un côté, ceux qui croient au SPM et qui veulent soigner Billy comme tel. De l'autre, ceux qui réfutent l'existence même de cette maladie et pour qui Billy est certes malade mentalement mais surtout coupable et dangereux. Au milieu, on trouve Billy. Enfin, pas Billy, mais tous ceux qui le composent. Différentes personnalités avec un prénom, un âge et un caractère propre, qui nous sont plus ou moins sympathiques.

     

    Ce livre est dur et impressionnant. Pas à cause des viols commis par Billy, comme on pourrait le croire, car ils sont finalement très peu abordés en eux-mêmes, mais à cause de tout le reste. Les Mille et Une Vies de Billy Milligan bouleverse, instruit et fascine. Le SPM est réellement méconnu, et ce roman a pour avantage de décrire précisément le cas de Billy, les traitements et ses réactions. Il y a un côté très judiciaire puis très médical qui aurait pu me déranger mais j'ai été au contraire très intéressée par le déroulement des évènements. J'ai été tellement prise dans l'histoire que je n'ai pas remarqué de longueur ou de défaut particulier  : on a envie de voir comment ça va se finir, comment Billy va s'en sortir, s'il s'en sort car on s'attache aux personnages. Bien sûr, l'auteur prend le parti de Billy mais le livre laisse au final la réflexion ouverte sur la culpabilité ou non de Billy, et sur la manière dont il doit être traité.

    C'est un livre qui m'a énormément touchée. Je n'avais jamais entendu parler du SPM, qu'on confond souvent d'autres troubles comme la schizophrénie, par exemple. Je vous le conseille a-bso-lu-ment parce qu'il est vraiment intéressant,  agréable à lire, et inspiré de très près d'une histoire vraie. Je sais que je ne l'aurais pas lu si on ne me l'avait pas fortement recommandé, mais il change vraiment de tout ce que j'ai pu lire jusqu'à présent. LISEZ-LE ! (A ce stade là, je ne parle même plus de coup de coeur parce que c'est encore trop faible pour vous dire combien j'ai aimé ce livre. Je pense qu'il fait partie de mon Top Twenty, vous voyez.)

    J'en profite pour ajouter que le livre le plus connu de Daniel Keyes est Des fleurs pour Algernon (qui est lui aussi ultra-touchant, qui fait réfléchir mais beaucoup moins violent) donc si vous ne l'avez pas lu, précipitez-vous dessus !

    Et puis, dernière chose : si vous lisez Les mille et une vies de Billy Milligan, vous pourrez lire la suite, Les mille et une guerres de Billy Milligan, qui était interdit de publication aux Etats-Unis quand je l'ai lu, mais édité en France - et celui-ci est encore meilleur, du genre dans mon Top Ten.


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  • Paulo Coelho, Veronika décide de mourir

     

     

    Veronika décide de mourir est un livre de Paulo Coelho, dont le roman le plus connu est L'Alchimiste. Je n'ai pas réussi à finir L'Alchimiste pour l'instant, mais Veronika est l'un des livres que j'aime lire quand je n'ai pas le moral.

     

    Au début du livre, Veronika décide de se suicider en avalant des somnifères; quand elle se réveille, on lui apprend qu'il ne lui reste plus qu'une semaine à vivre. Elle vit sa semaine de sursis dans un hôpital psychiatrique, entourée de ceux qu'on appelle fous, même si certains en ont tiré une certaine sagesse. Veronika n'est pas folle, et grâce à ces rencontres, elle recommence à s'intéresser à la vie, même si ses heures sont comptées.

     

    J'aime relire ce livre, parce qu'il dit : la vie est intéressante, n'hésitez pas à être fous.
    Il présente la folie des personnages comme la non-correspondance de ces gens à la réalité établie par la majorité. Il dit que ça vaut la peine de vivre, d'essayer, d'assumer : parce que Veronika se suicide parce que sa vie est vide, lâche, trop facile, et qu'elle se rend compte, finalement de tout ce qu'elle pourrait faire si elle osait prendre des risques.

     

    Que vous ayez lu, aimé L'Alchimiste ou non, que vous vous sentiez bien ou non, je voudrais vous donner envie de lire ce livre, rien que parce que je l'ai déjà lu au moins trois fois et que je ne m'en lasse pas.


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  • Dans les aéroports, quand je passe à la fouille, je m'énerve, comme tout le monde. Il n'est jamais arrivé que je ne déclenche pas le fameux bip. Du coup, j'ai toujours droit au grand jeu, des mains d'hommes me palpent de la tête aux pieds. Un jour, je n'ai pas pu m'empêcher de leur dire: «Vous croyez vraiment que je veux faire exploser l'avion?»

    Mauvaise idée: ils m'ont forcé à me déshabiller. Ces gens n'ont pas d'humour.

    Aujourd'hui, je passe à la fouille et je m'énerve. Je sais que je vais déclencher le fameux bip et que des mains d'hommes vont me palper de la tête aux pieds.

    Or je vais vraiment faire exploser l'avion de 13 h 30.

     

    Amélie Nothomb, Le Voyage d'Hiver

     

    C'est n'importe quoi (et c'est ce qui fait que j'aime Amélie Nothomb, parfois). Zoïle est tombé éperdument amoureux de la douce Astrolabe, mais la jeune femme consacre tout son temps à Aliénor, une romancière géniale quoique légèrement attardée. Par dépit, il décide de détourner un avion et de l'envoyer percuter la tour Eiffel.

    C'est un roman complètement dingue, et j'ai beaucoup aimé. J'ai aimé à cause de l'idée, de la brièveté et de l'originalité de l'histoire : le roman est rythmé et je ne me suis pas ennuyée : à partir du moment où deux personnes nommées Zoïle et Astrolabe se rencontrent, croyez-moi, tout peut arriver. Publier un roman ayant un personnage principal qui veut faire exploser un avion, c'est osé mais au final j'ai trouvé ça très amusant. C'est ça, en fait : je me suis amusée lisant les aventures et déconvenues de Zoïle face à une Astrolabe intraitable. On n'est pas face à une romance qui "dégouline", si vous voyez ce que je veux dire, et c'est tant mieux. Un peu de légèreté et beaucoup de folie ne font pas de mal. Certes, cela déconcerte un peu, mais le roman est agréable à lire, et j'ai eu du mal à le lâcher avant de connaître la fin - ce qui est généralement très bon signe.

     


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  • David Foenkinos, Charlotte

    "Charlotte a appris à lire son prénom sur une tombe."

    Le ton est donné. Charlotte Salomon naît à Berlin, dans une famille dévastée par le suicide de sa tante du même nom, dans un monde affaibli par la Première Guerre Mondiale. Dès le début, on lui ment, on dissimule cette vérité trop dure à avouer : "C'était un accident". Et ces mensonges se répètent à chaque évènement dans son enfance. Elle grandit dans une ambiance de tristesse et de morosité, entre un père trop ambitieux pour s'occuper suffisamment de sa femme et de sa fille, et une mère détruite et instable. Mais Charlotte y est habituée.
    Elle vit la montée du nazisme, et l'exclusion progressive de la société des juifs comme elle, jusqu'au jour où on lui refuse son prix aux Beaux-Arts. Elle aime, vit autant qu'elle le peut, puis s'exile, dessine, et meurt. Gazée, à Auschwitz.

    Charlotte, c'est l'histoire d'une fille étouffée par le mal-être profond de sa famille, par les dépressions et les suicides, par les non-dits, mais qui tente tant bien que mal de se construire.
    Charlotte, c'est aussi l'histoire d'une femme juive dans la Seconde Guerre Mondiale, d'une artiste allemande qui laisse derrière elle une trace dans l'Histoire, en confiant à un docteur son œuvre Leben ? Oder Theater ? (Vie ? Ou Théâtre?). "C'est toute ma vie", dit-elle.
    Et puis Charlotte, c'est l'histoire de la quête d'une auteur obsédé par cette femme. Il recherche, visite, découvre cette femme qui la hante. On ressent son obsession et on se demande si ce n'est pas finalement plus pour lui que pour elle qu'il revient à la ligne à chaque phrase. Un moyen de raconter le tragique sans larmoyer. Un moyen de respirer.

    Charlotte Salomon, Leben ? Oder Theater ?Charlotte Salomon, extrait de Leben ? Oder Theater ? - Musée juif d'Amsterdam

    J'ai aimé cette écriture un peu particulière, ces phrases alignées les unes en-dessous des autres. On entre dans l'atmosphère sombre de la vie de Charlotte pour n'en ressortir qu'après avoir fini le livre. On découvre cette artiste dont on n'entend jamais parler et à qui on s'attache même si, on le sent, elle ne survivra pas. David Foenkinos nous offre un portrait de cette jeune femme sobre et rempli de délicatesse; il fait de Charlotte un beau roman sensible et touchant.

    Ce livre a reçu le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens.
    Si vous voulez en savoir plus sur Charlotte et son oeuvre, venez voir ici (pas en français, désolée, mais les images parlent d'elles-mêmes.)


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  • Czentovic n'est pas très intelligent ni même très bavard. La seule chose dans laquelle il excelle, c'est le jeu d'échecs. Au point même d'en être un champion mondial, que personne ne bat.
    Un jour, notre narrateur apprend qu'il voyage sur le même bateau que le champion. Apprenant son histoire, il décide d'organiser une partie où ceux qui le souhaitent l'affrontent. C'est alors que surgit un autre homme, un inconnu, pour sauver leur partie. Pourtant, il affirme n'avoir pas joué depuis vingt ans ! Comment est-il devenu un aussi bon joueur ? Et pourquoi a-t-il arrêté ? C'est ce qu'il reste à découvrir...

     

    Stefan Zweig, Le joueur d'échecs

     

    Je ne sais pas comment qualifier Le Joueur d'échecs : roman court ou nouvelle longue ?

    Le début peut sembler un peu long mais, même si l'on n'est pas spécialement attiré par les échecs, on se retrouve pris dans l'histoire, notamment grâce au récit de l'inconnu qui se révèle très intéressant, parce qu'on découvre une facette méconnue de la Seconde Guerre Mondiale. Avec la fin, ce sont les deux points forts de ce livre qui n'est pas forcément très palpitant mais que je vous recommande tout de même, simplement pour le plaisir de lire une histoire bien écrite et pour les différents sujets qu'elle aborde. L'auteur nous décrit deux parcours qui s'opposent, deux mentalités totalement différentes, et les réactions des gens autour.

    Ce qui m'a frappée et ce que j'ai particulièrement retenu, c'est cette capacité de l'humain qui est décrite, de réussir à trouver une manière d'échapper à la folie qui le guette dans l'enfermement et surtout la persévérance du personnage qui s'y tient malgré tout. J'ai trouvé cette partie tout à fait admirable et merveilleuse; Le Joueur d'échecs est plutôt rapide à lire alors si vous avez un tout petit peu de temps devant vous, n'hésitez pas à vous plonger dedans.


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  • Parfois, on entend les gens dire ce livre m'a touché, ce film m'a émue, cette pièce m'a bouleversé. C'est toujours quelque chose qui me fascine, cette capacité qu'a l'art de ne jamais nous laisser indemne, encore plus lorsqu'on en ressort avec une perception différente des choses.
    La pièce dont je veux vous parler aujourd'hui, je l'ai d'abord lue, puis apprise, puis jouée en cours. Alors bien sûr qu'elle ne m'a pas laissée indemne parce que je l'ai travaillée, beaucoup de souvenirs y restent attachés - quand je la relis, j'entends encore la voix des autres et la mienne prononcer les mots du texte. Mais c'est bien plus que seulement des souvenirs.

    Quand je l'ai lue pour la première fois, personne ne m'avait donné d'information sur le sujet, je n'en donnerai pas non plus. Je crois que c'est important de lire sans s'y attendre vraiment; d'ailleurs la quatrième de couverture est un extrait qui ne donne pas d'indices sur le sujets des pièces. Face au mur est une pièce extraite d'une trilogie, publiée en anglais sous le nom de Fewer Emergencies. J'ai lu la pièce en anglais également, et pour une fois je dois avouer que je n'ai ressenti aucune différence entre la version originale et la traduction.

    C'est une pièce contemporaine; il y a quatre personnages, 1, 2, 3 et 4. Pas de contexte particulier, seulement quatre personnages qui parlent. Aucune didascalie, la mise en scène peut apporter beaucoup mais le texte est déjà extrêmement riche.

    Vraiment c'est une pièce coup de poing, claque, bouleversement, elle est dure à lire par son propos et sa résonance trop actuelle (publiée pourtant il y a quinze ans), elle est courte mais conséquente. Et cette écriture, c'est ce que j'aime avec les auteurs contemporains. Cette manière de passer outre les limites, d'ajouter de la sensibilité à l'horrible.

    Lisez Face au mur et les deux autres pièces de la trilogies, Tout va mieux et Ciel bleu ciel qui sont géniales elles aussi. Achetez-les, empruntez-les, regardez-les, et revenez me dire ce que vous en avez pensé.


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